Communiqué de presse
📰 INTERVIEW - IA : l’alliance entre Mistral AI, Edtech France et des universités projette de répondre à des besoins partagés dans l’ESR
 
  📰 INTERVIEW - IA : l’alliance entre Mistral AI, Edtech France et des universités projette de répondre à des besoins partagés dans l’ESR
Quel est l’objectif de l’alliance formée entre Edtech France, une quinzaine d’établissements d’enseignement supérieur et l’entreprise Mistral AI, annoncée le 5 février 2025 en amont du Sommet pour l’action sur l’IA de Paris ?
Concrètement, il s’agit dans un premier temps de réunir autour d’une même table Edtech France, Mistral AI et plusieurs universités pour que ces dernières identifient et expriment collectivement des besoins concernant leur usage des IA. Ensuite, l’idée est que Mistral AI parte de son offre déjà existante à destination des entreprises (Le Chat entreprise) et l’adapte "aux enjeux éducatifs, et dans le même temps, propose une infrastructure solide pour les edtech afin qu’elles s’intègrent plus facilement et de manière plus fluide au sein des établissements de l’ESR public", explique Lucie Jacquet-Malo, référente pour les DemoES dans le cadre du sommet, lors d’un entretien avec AEF info le 18 février.
Les membres de l’alliance
Cette alliance s’adresse en priorité aux établissements de l’ESR public, a fortiori les universités. Pour des raisons d’efficacité, elle ne devrait pas s’ouvrir, sauf à la marge, à d’autres profils d’établissements. Au moment du Sommet pour l’action sur l’IA, 11 établissements étaient membres de l’alliance : les universités de Rennes, Haute-Alsace, Nîmes, Paris-Est Créteil, Bordeaux-Montaigne, Montpellier, Toulouse Jean Jaurès, Picardie Jules-Verne, Sorbonne université, ainsi que le Cnam et l’École des mines de Paris. Depuis, trois autres se sont rajoutés : les universités de Tours, Lorraine et Paris-Saclay. Lucie Jacquet-Malo et Orianne Ledroit (Edtech France) précisent également échanger avec l’Amue, sans que l’opérateur d’État ne soit un partenaire, pour éviter les conflits d’intérêts. L’objectif de ce dialogue est d’éviter d’entrer en "doublon" avec l’Amue, et s’inscrire dans une complémentarité avec l’opérateur. Ce dernier se consacre au déploiement de solutions SI comme Pégase (PC Scol) tandis que l’alliance se penche plutôt sur le développement et la facilitation de déploiement d’outils edtech à base d’IA. Quatre groupes de travail sont prévus au sein de l’alliance, autour des thèmes suivants : les enjeux de sécurité des données ; la pédagogie et l’augmentation du geste enseignant par l’IA ; les enjeux de SI ; trouver un modèle économique qui bénéficie à la fois aux établissements et Mistral.
Centraliser les besoins et demandes pour offrir une réponse "industrielle"
"Le niveau de maturité sur les besoins et opportunités en termes d’IA est très disparate au sein de l’écosystème ESR", remarque Orianne Ledroit, déléguée générale de l’association Edtech France, le 18 février. Cette alliance, qui regroupe à ce stade 14 établissements, va ainsi permettre de présenter l’offre de Mistral AI à un large panel d’établissements d’un seul coup, mais surtout de faire remonter des besoins "harmonisés", aussi bien en terme pédagogique que pour le volet administratif.
Le fait d’exprimer des besoins collectivement va ensuite permettre à Mistral AI et des edtech de "travailler de manière plus industrielle sur des réponses à apporter", là où la pratique actuelle relève plutôt d’un échange en bilatérale entre un établissement et une entreprise. C’est par exemple ce qui s’est beaucoup développé dans le cadre de l’AMI DemoES. Ce modèle, bien qu’ayant donné des résultats positifs, est basé sur du financement one-shot, ce qui "n’est pas très sain pour développer un modèle économique pérenne" du côté des edtech, insiste Orianne Ledroit. Et de l’autre côté, certaines universités payent "plusieurs solutions assez identiques. Nous avons besoin d’harmoniser, sans aller vers des offres uniques", insiste Lucie Jacquet-Malo, également investie sur le projet DemoES porté par l’UPJV, qui pilote le groupe de travail transversal sur les collaborations edtech-établissements.
Permettre aux universités de mieux encadrer les usages sur les IA
Intégrer l’alliance et participer aux échanges est à ce stade gratuit mais les solutions technologiques qui en découleront seront payantes, et donneront lieu à des échanges individuels entre Mistral AI et chaque université. "Le fait initiateur est la volonté des universités de ne pas subir la transformation qui arrive avec l’IA générative. Nous savons déjà que des étudiants et enseignants utilisent Le Chat de manière quotidienne (recherche, création de contenus, etc.). Outre de le commercialiser aux universités à un tarif limité, nous proposons que cette utilisation se fasse dans un cadre mieux maîtrisé par les établissements", explique Cédric O, co-fondateur et conseiller de l’entreprise, lors d’un entretien avec AEF info le 21 février.
Ainsi, Mistral IA propose une sorte de back-office permettant aux établissements de directement contrôler qui a accès à quels outils. De plus, l’entreprise peut servir de support pour l’implantation de plein de petits RAG (retrieval augmented generation, pour "génération augmentée de récupération") destinés à des tâches précises, et surtout basés sur des corpus de données précis, ce qui limite le risque d’hallucinations.
"Les universités ont des besoins. Mistral AI a déjà une solution, Le Chat, qui offre une réponse assez large à un certain nombre d’enjeux exprimés dans l’ESR. En parallèle, les edtech répondent à des besoins plus précis. Ce que nous cherchons à faire, c’est construire une boîte à outils technologique avec des réponses que Mistral AI est en capacité d’industrialiser", résume Orianne Ledroit. En effet, si une solution comme RaGaRenn (université de Rennes) est "l’idéal vers lequel il faut tendre, elle n’a pas la capacité d’oeuvrer à très grande échelle comme Mistral AI", complète Lucie Jacquet-Malo.
Quelle souveraineté des données ?
Pour les établissements qui en ont "les moyens financiers et la capacité technique, on peut imaginer un déploiement en interne" des solutions de Mistral AI, explique Cédric O. Pour celles qui ne sont pas en capacité de le faire, le flux des données traitées (prompt, réponses des solutions, etc.) "transitera par des serveurs hébergés dans l’Union européenne", complète-t-il, tout en ne souhaitant pas indiquer chez quelle entreprise sont hébergés les serveurs de Mistral AI. Quoi qu’il en soit, l’une des promesses de la solution Le Chat entreprise – ou équivalent – est de ne pas utiliser les informations entrées dans l’outil pour entraîner les modèles de langage de la société.
Cette alliance est également le premier "partenariat" officiel entre Mistral AI et le monde de l’enseignement français – l’entreprise est déjà implantée dans la recherche avec un cluster IA (lire sur AEF info) –, reconnaît Cédric O. Des discussions sont en cours avec d’autres "institutions", dit-il, car il est important que l’entreprise "ne se limite pas à une certaine catégorie d’établissements et d’étudiants". En effet, "il y a eu, dès la création de Mistral AI, une conviction très forte que l’éducation est l’un des domaines où l’IA générative peut profiter le plus à la société", insiste l’ancien ministre du numérique.
Des premières solutions dès septembre 2025
La finalité de cette alliance et le calendrier restent à affiner, reconnaît Lucie Jacquet-Malo. En revanche, un engagement est pris pour que des premiers outils fonctionnels soient mis en place dans des universités partenaires "en septembre 2025". "L’idée est de concrétiser rapidement. Déjà, parce qu’il y a des besoins déjà identifiés et que cette alliance permet d’en accélérer la réponse ; mais aussi, de façon pragmatique : nos entreprises françaises n’ont pas le temps d’attendre, au risque de se faire dépasser par la concurrence internationale", insiste Orianne Ledroit.
Selon elle, une réflexion doit être menée sur la place du MENESR dans le projet, "qu’elle soit financière ou en soutien à sa réalisation". Pour la déléguée générale d’Edtech France, il en va aussi de la "cohérence entre les discours politiques, qui prônent le soutien à l’innovation, la collaboration entre la recherche et l’entrepreneuriat, la souveraineté, le développement d’une IA à l’européenne, etc.", et "la réalité de la politique publique". Selon elle, il y a un "manque de soutien lorsque l’on essaye de faire concrètement les choses", avec une méfiance qui peut émerger de certains acteurs lorsque la solution proposée émane du privé. "Même si l’alliance sort des canons traditionnels de la définition d’une politique publique, ça peut marcher. Il faut nous laisser la capacité de le faire", plaide-t-elle.
Par Camille Mordelet
 
        