Communiqué de presse

📰 REPORTAGE - Dans les coulisses de Paris-Saclay, où la France forme les experts IA de demain

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📰 REPORTAGE - Dans les coulisses de Paris-Saclay, où la France forme les experts IA de demain

📰 REPORTAGE - Dans les coulisses de Paris-Saclay, où la France forme les experts IA de demain

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Chapo
Un campus de l'université Paris-Saclay qui forme l’élite de l’intelligence artificielle, un écosystème solide financé par le gratin du business, des start-up à la pointe de la tech… La France a bien des atouts face aux géants américains et trublions chinois.
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Ce mardi glacial de janvier, Nora Ouzir, professeure associée à CentraleSupélec, projette sur l’écran une cascade de points interconnectés par des lignes et des équations complexes. Quelque 70 étudiants en deuxième année de l’école d’ingénieurs CentraleSupélec assistent à son cours optionnel de machine learning, l’apprentissage automatique, dans le bâtiment Bouygues, à 15 kilomètres au sud-ouest de Paris. « Les cours sont très demandés et le niveau est très élevé », souligne Nora Ouzir, également chercheuse dans un laboratoire de l’université, comme ses 800 homologues de l'université Paris-Saclay.

Plus de 140 entreprises partenaires ont installé ici leurs centres de R&D. L’on y forme le gratin de l’intelligence artificielle planétaire, des talents que les groupes privés et les gouvernements s’arrachent à prix d’or. Une richesse qui place la France au centre du nouvel échiquier technologique mondial. Et figure au cœur des discussions de Sommet pour l’action sur l’IA ouvert ce 6 février à Paris.

 

Un concours ultrasélectif

Les élèves de Nora Ouzir font partie de ces futurs bataillons d’élite. Environ 20 % d’entre eux sont étrangers – tous les cours sont en anglais. À leur sortie, ils seront tous experts en modélisation de réseaux de neurones, un modèle informatique imitant le cerveau humain. Pour intégrer cette formation ultrasélective, la majorité des étudiants a passé avec succès le concours d’entrée à CentraleSupélec, après une classe préparatoire. Tel Grégoire, 20 ans, passionné de mathématiques. « J’aime le principe de pouvoir choisir des cours à la carte », lance-t-il. A la fin de l’année, il prendra une année de césure, en stage de recherche en cryptographie. Pour le décrocher, il lui a suffi de se rendre au forum des entreprises organisé par l'école CentraleSupélec en novembre. Plus de 200 groupes français piochent chaque année dans ce vivier à hauts potentiels pour dénicher leurs futurs talents en intelligence artificielle.


Martin Barzilai/Haytham/Challenges


Parmi les plus courtisés figurent les rares élus qui parviennent à intégrer le master MVA, « mathématiques vision apprentissage », piloté par l'ENS Paris-Saclay. La voie royale. Des stars de l’IA, comme Arthur Mensch, cofondateur de Mistral AI, en sont issues. La formation – la plus large de l'université Paris-Saclay – accueille 250 étudiants et propose jusqu’à 65 options. La plupart des étudiants viennent de grandes écoles mais aussi d’universités internationales. La sélection est drastique : deux tiers des candidats de l'école Polytechnique sont recalés chaque année. Sa spécificité ? « L’ancrage dans les mathématiques, le retour aux fondamentaux des algorithmes et les applications », explique Laurent Oudre, directeur du MVA.

 

Des masters très prisés

Gabrielle, 23 ans, compte parmi les 25 % de femmes à avoir intégré la formation. Depuis sa rentrée, elle a été approchée quatre fois sur Linked­In par des entreprises qui s’arrachent des profils comme le sien. Environ 60 % des étudiants du master poursuivent leurs études en thèse, les autres décrochent directement des postes en R&D chez les géants du web ou les grandes entreprises françaises.

D’autres masters sont très prisés, comme celui de mathématiques et IA à Paris-Saclay ou la « mention IA » de CentraleSupélec. Historiquement, les profils doués en mathématiques s’orientaient vers la finance, le parcours d’excellence. Jusqu’à la crise de 2008, moment de bascule où les carrières financières ont perdu de leur éclat. Depuis, le nombre de candidats aux formations en IA explose. Le master MVA reçoit par exemple plus de 1 500 candidatures.

« Il y a cinq ans, nous avions cinq fois moins de demandes, assure Frédéric Pascal, directeur de l'institut DataIA, la structure qui regroupe plusieurs masters en IA de Paris-Saclay. Désormais, nous formons tous les étudiants à l’IA. » Une grande partie des cours a lieu dans ce complexe presque entièrement vitré, au milieu de grands espaces verts parsemés d’arbres nus et de neige.


Le master IA de confiance

Des étudiants arrivent petit à petit sur le plateau, cachés par le brouillard matinal. Parmi eux, Bérénice Arias, élève en première année à CentraleSupélec et présidente d’Automatants. Cette association qui promeut la connaissance autour de l’IA compte une quarantaine de membres et organise événements et formations. Elle n’échappe pas à la logique de sélectivité propre à l’école CentraleSupélec.« Beaucoup veulent faire partie de l’association, mais il faut les compétences nécessaires », lâche Bérénice Arias, dans un large sourire. Dans son dos, une poignée de jeunes jouent au badminton dans un gymnase. L’association insiste sur « la responsabilité envers la société » et l’éthique, « un sujet de plus en plus important pour nous », assure la jeune femme. A ses côtés, Anas Lecaillon, élève en deuxième année de CentraleSupélec, arbore une veste ornée du logo Automatants. Il abonde : « L’association permet d’approfondir ses connaissances en IA. »


Photos : Martin Barzilai pour Challenges


Après ses études, le jeune homme s’orientera vers l’entrepreneuriat plutôt que la recherche. Il n’aura pas de difficulté à trouver : l’élite de Paris-Saclay irrigue tous les secteurs. Les salariés des grands groupes font, eux, le chemin inverse. Pour se former en IA, les employés des entreprises du CAC 40, des PME et des institutions grossissent les rangs des masters exécutifs de l’université. La formation IA de confiance prépare par exemple des ingénieurs aux aspects plus éthiques du domaine.

 

Collaboration CEA-CNRS


Photos : Martin Barzilai pour Challenges

Le plateau de Paris-Saclay abrite également des institutions de recherche de renommée internationale. Le fameux supercalculateur Jean-Zay, l’un des plus puissants d’Europe, est niché sur le campus. A cinq minutes en voiture des salles de cours, sont installés les locaux de SystemX, un institut de recherche technologique. Ses 300 collaborateurs se sont associés à 65 entreprises partenaires. Objectif, traduire les fruits de la recherche dans des applications concrètes pour le monde industriel. « L’IA a de la valeur mais on a encore du mal à l’intégrer à des systèmes et à un environnement, explique le directeur Paul Labrogère. SystemX est un bac à sable pour les entreprises. »