Communiqué de presse
📰 TRIBUNE Les Echos - IA : « Fin de partie pour la transformation digitale… l'IA agentique est là »
📰 TRIBUNE Les Echos - IA : « Fin de partie pour la transformation digitale… l'IA agentique est là »


À la croisée de la recherche académique, des sciences humaines et des besoins industriels réels, ingénieurs, chercheurs et entrepreneurs conçoivent déjà des systèmes capables non seulement de comprendre, mais d'agir, de planifier, de collaborer et d'apprendre. Pour Robert Vesoul, PDG d'ILLUIN Technology et Frédéric Pascal, vice-président IA de l'Université Paris-Saclay, nous entrons dans une nouvelle ère, pour le meilleur.
Depuis quinze ans, la transformation digitale a permis de rationaliser les processus, de digitaliser les interactions, de fluidifier les chaînes de valeur. Elle a généré d'immenses gains d'efficacité, mais aussi un paradoxe : les organisations n'ont jamais été aussi connectées, et pourtant la coordination humaine y reste lente, coûteuse et fragmentée.
Nous avons digitalisé les outils, pas la cognition collective. Derrière les logiciels et les workflows, la prise de décision demeure séquentielle, les boucles de validation multiples, les silos tenaces. Ce modèle atteint ses limites. La technologie a rendu les entreprises plus instrumentées, pas nécessairement plus intelligentes.
L'IA agentique transforme l'entreprise C'est précisément cette frontière que l'IA agentique redéfinit. Là où l'IA générative se contentait de produire du texte ou des images, l'IA agentique apprend à agir, raisonner et se coordonner. Elle n'est plus un copilote, mais un acteur cognitif, capable de planifier, d'interagir avec des systèmes existants, d'évaluer ses propres actions et de collaborer avec d'autres agents ou avec des humains pour atteindre un objectif défini.
Cette mutation transforme la nature même du travail : l'entreprise ne se limite plus à une succession d'outils numériques, mais devient un écosystème d'agents autonomes reliés par des données, des politiques et des intentions communes.
Cette évolution ne tient pas du fantasme futuriste. Dans les services client, des agents coordonnent déjà la gestion de bout en bout d'une demande, de la compréhension du contexte à la résolution.Dans la finance, ils préparent et vérifient des dossiers complexes avant arbitrage humain. Dans la santé, ils accompagnent les équipes médicales dans la lecture de comptes rendus ou la structuration de données non tabulées.
Ces agents n'agissent pas seuls : ils interagissent, se corrigent, se relaient. C'est leur coopération qui crée la valeur, bien plus que leurs performances individuelles. L'entreprise agentique n'est plus une juxtaposition d'automatismes, mais un organisme vivant, qui apprend et s'adapte en temps réel.
La confiance n'exclut pas le contrôle
Cette transformation impose cependant un nouveau contrat de confiance. Déléguer à des agents autonomes ne revient pas à abandonner le contrôle : c'est le redéfinir. Il s'agit d' inventer une gouvernance de l'autonomie fondée sur trois principes.
D'abord, la transparence : chaque action, chaque décision doit pouvoir être observée, auditée, comprise. Sans traçabilité ni explicabilité, la confiance se délite. Ensuite, la supervision éclairée : les humains ne doivent plus tout contrôler, mais concentrer leur attention sur les décisions à fort impact, les exceptions, les risques. Enfin, la responsabilité partagée : l'IA agentique oblige à repenser la répartition des rôles entre ceux qui conçoivent, ceux qui supervisent et ceux qui garantissent la conformité. Ce n'est pas une délégation aveugle, mais une nouvelle forme de management distribué.
La conséquence la plus profonde de ce changement est qu'il rend obsolète la notion même de « transformation digitale ». Cette expression impliquait une cible stable : un modèle à numériser. Or l'entreprise agentique n'est plus un système figé que l'on digitalise, mais un système évolutif que l'on pilote. Elle ne se transforme pas une fois pour toutes ; elle s'auto-transforme en continu, en fonction de ses données, de ses objectifs et de son environnement. Elle devient une entité organique, adaptative, capable de réorganiser ses priorités à la volée - sous contrôle humain.
Voir loin, donc voir européen
Ce déplacement de la valeur - de la donnée vers le raisonnement, de la digitalisation vers la cognition - redéfinit aussi le leadership européen. Dans ce contexte, la France et l'Europe disposent de solides atouts : leur culture de l'interdisciplinarité et de la régulation éclairée.
Dans certaines universités, la rencontre entre mathématiques, informatique, droit, économie et philosophie permet de penser l'IA et notamment l'IA agentique non comme une technologie pure, mais comme un système sociotechnique qui engage responsabilité, éthique et souveraineté. Des instituts interdisciplinaires et des clusters dédiés à l'IA, récemment labellisés au niveau national, ont précisément cette vocation : orchestrer la recherche, la formation et l'innovation pour une IA de confiance, robuste, explicable et alignée sur les valeurs européennes. Dans l'industrie, des scale-ups issues de la recherche publique réalisent déjà la mise en oeuvre de ces architecturesagentiques en production et à l'échelle.
Nouvelle manière de penser
Dans cette convergence entre science et industrie se joue le prochain chapitre de la transformation économique. Les entreprises qui réussiront ne seront pas celles qui auront le plus digitalisé leurs processus, mais celles qui sauront domestiquer l'autonomie :transformer la complexité en intelligence collective , la vitesse en justesse, l'automatisation en décision augmentée. L'IA agentique ne remplace pas l'humain ; elle redistribue la charge cognitive, libère du temps pour le jugement, la créativité et la stratégie.
Nous entrons dans une ère où la question n'est plus « que peut faire l'IA ? », mais « comment voulons-nous que nos organisations pensent ? ». La transformation digitale fut celle des moyens ; la transformation agentique sera celle du sens. Et si la décennie qui vient n'appartenait pas aux entreprises les plus technologiques, mais aux plus intelligentes ?
Frédéric Pascal est vice-président IA de l'Université Paris-Saclay et directeur de l'Institut DataIA et Robert Vesoul est PDG d'ILLUIN Technology.